Grand Erg Oriental

Grand Erg Oriental

Avis de M. Mohsen Lihidheb

Douz Doc Days 2013 (3éme Edition) Première journée. Les journées trois D, Douz doc days 2013, ont commencé par une procession musicale et artistique partant de l’Hôtel jusqu’au Musée du Sahara, où une grande tente abriterait les projections tout au long de cette semaine cinématographique. Sous un grand feu de bois, la troupe folklorique locale, avait présenté des danses et des acrobaties artistiques, avec la parade de chevaux montés par de jeunes téméraires de la région. Aussitôt, l’exposition de photos « Eternelle Tunisie » de Hamid Eddine Bouali, avait fait l’intérêt des présents dont plusieurs apposèrent leurs remarques et leurs graffitis, sur les photos même. Après la présentation du jury, par Si Hichem ben Ammar directeur de l’événement, commencèrent les projections : - Bribes de mémoire, documentaire réalisé par les élèves de Douz encadrés par Sonia Giardina et Rafik Omrani, un film d’une grande noblesse et respect à la mémoire locale et aux anciens. En effet, les vieux militants « Fellaga » encore vivants et même les décédés par intermédiaires, leurs femmes, leurs histoires, leurs mésaventures avec le colonialisme, leurs souffrances et leurs actes de bravoures, ….parlaient avec fierté d’une période difficile et incitaient les jeunes à travailler et construire le pays. Un film qui nous a fait vivre l’héroïsme de ces gens, pleins de courage et d’authenticité. Malgré que Mademoiselle Giardina formait et accompagnait les jeunes Douzi, ils se sont dignement et fièrement retirer pour laisser la place à notre mémoire collective. Bravo. - Pourvu qu’elle soit Douz, documentaire de constat et de fixation par le son et l’image, de la vie dans la ville de Douz, à la fois, laborieuse et oisive, vivante et passive, ouverte et rétrospective, dans une rafale sulfureuse de personnages, événements, portraits, révoltes, manifestations, complaintes, appels à la prière, appel à la révolutions…dans un tourbillon de péripéties dignes d’Ulyssus et sa journée de Dublin de JOYCE. Toutefois, le film a réussi à faire parvenir le message aux spectateurs, le message d’une ville en mouvement et recouvrant un immense potentiel d’humanité et d’espoir.

Deuxième journée. - Tirith. Un film de Maram Louhichi, de l’institut supérieurs des arts et métiers de Gabes, qui traite de l’architecture et la vie dans le village de Tamezrett, érigé sur la montagne et dans la montagne, avec une architecture sécuritaire défensive prenant en compte touts les éléments de la vie en autarcie et les moyens de survivance, de camouflage, de leurre à travers des passages labyrinthiques secrets et déroutants pour l’éventuel envahisseur. Les habitants s’en sortent malgré la sécheresse et l’aridité du milieu ce qui a poussé les gens à vendre les pierres que les femmes taillent pendant la journée et les hommes la nuit. Bien sur les temps ont changé et un jeune garçon, dans une sorte de lamentation chantée, une incantation révélatrice, invoqua Dieu pour l’arrivée des touristes et l’animation de l’activité locale. Ainsi pendant que les anciens demandaient à la Divinité la pluie, voilà, la situation. Un film vrai, complet et très bien fait. - Sous les étoiles. un film de Rabeb Mbarki de l’institut supérieur des arts et métiers de Gabés, qui traite d’un accompagnement de la vie dans un cirque ambulant, mettant en relief, les mouvements, les relations, les impressions et les difficultés. Un documentaire descriptif qui a pu montrer l’autre face de cette œuvre monumentale mobile, sa construction, sa déconstruction, ses joies et ses chagrins, ce que les visiteurs et enfants, joyeux et enthousiastes, ne pouvaient voir. Travail bien fait.

- AL ASSYADD. Un film de Yasser Amor, de l’ISAMG, qui a pertinemment pénétré le monde obscur et merveilleux des marabouts, en cueillant les paroles des sages, les chants mystiques des hadhra ou les déclarations tranchantes de nos confrères salafistes. De très belles images de rythme guérisseur et thérapeutique, d’offrandes sincères et inconditionnelles, de recueillement par des danses dans des cérémonies mixtes de transe. De très vieilles dames, aux visages décorés par les graffitis du temps, dont l’aura de sagesse et de piété resplendit envoutante et aveuglante…guérissent les patients par le simple touché et par des mots de dévotion et de résignation à la volonté de Dieu. Un film qu’on ne se lasse jamais de revoir.

- La petite Syrte. Un film de réalité fiction d’Ahmed Dkhil, de l’ISAMG, qui reprend les difficultés de la pollution et le chômage de la région de Gabès, d’une façon humoristique et ironique, joignant l’image au son, la réalité à l’histoire, le pain quotidien à l’humour noir, la politique politicienne et les aspirations du peuple après chaque date décisive de militantisme… Sans tomber dans la revendication directe, la contestation, l’amertume, le défaitisme…le film a réussi à sensibiliser et acquérir les spectateurs.

Une ovation spéciale à Ons Kammoun, pour la réussite de ces jeunes cinéastes et leur accompagnement technique et dynamique lors de la réalisation de ces œuvres méritantes. - Ciné train. Après l’intervention d’une représentante de la SNCFT invitant les jeunes cinéastes à profiter l’opportunité culturelle et sociale qu’offre cet établissement national au service de sa clientèle, le public en général et du cinéma événementiel, plusieurs spot et extraits du voyage du groupe de la manifestation, ont été visionnés. - Boubia. De Hamdi Jouini, actuellement absent à l’étranger. Le film décrit la vie des nomades dans le désert profond, étouffé dans l’étau de la sécheresse d’un coté, la cherté de la vie d’un autre, l’oppression de la mécanique de l’Etat, l’invasion de la modernité de l’autre, mais sauvé en survivance par leur solidarité mutuelle innée et ancestrale. Devant cette situation, les vieilles femmes durent réveiller une technique ancienne de confection de Boubia, une sorte de poupée, avec des morceaux de laine et de tissus multicolores. Ces charmantes femmes, engagées et engageantes, attachées à leur authenticité et leurs valeurs, refusaient sèchement la dénomination de poupée pour garder celui de « Aroussa » symbole de fertilité, de beauté et d’espoir. Ainsi, la vente de ces valeurs « fétiches », devinrent pour certaines et certains, un gagne pain, par la vente de cette fertilité, cette beauté et cet espoir aux touristes. Un film révélateur, poignant et inoubliable.

- Au rythme de la ville désertée. D’Aymen Yaakoub. Un long documentaire sur l’ancienne ville de Kébili, désertée par les habitants par une politique des années soixante, dirigeant la population vers des zones d’urbanisation plus favorables à la mainmise de l’Etat pour la mise au pas du consumérisme, le contrôle et l’imposition. Bien sur, tout ceci n’était qu’implicite dans le film, qui avait focalisé sur la vie dans la mosquée locale, Ô combien accueillante et humaine. Un témoignage de constats narratifs, quelques fois que des images redondantes, mais assez bien fait pour un débutant, naviguant seul, pour assumer toutes les taches de la production, réalisation, photographie….Bravo.

A cause de la précipitation des projections et des actions parallèles dans la ville de Douz, le reste des films sont repris rapidement et d’autres, n’ont pas été regardé, ce qui ne diminue rien en leur grande valeur. - Ennajah : de Chiraz Bouzidi. Ce film documentaire parle du combat d’une femme qui s’est vu dans le besoin de collecter des objets à revendre du dépotoir municipal, entre les tas d’immondices, les cris des oiseaux et les odeurs nauséabondes… Ce personnage, représentatif de la condition de la femme rurale, montre le combat qu’elle mène dans toutes les directions tout assumant ses devoirs de mère de famille au foyer. Pendant que la mari, pour des prétextes de maladie mineure, mène une vie oisive à convoyer quelques moutons, cette femme se chausse et déchausse chaque jour pour s’enfoncer dans les poubelles de la société de consommation et en récupérer tout ce qui peut être recycler et par conséquent vendu. Pendant que la fille de cette grande Dame, s’émeut de cette situation tout en profitant des frais des ses études et ses habits, pendant que le public s’impressionne, pendant que les autorités font l’autruche devant leur devoir d’encadrement médical et social, pendant que la cinéaste transfère en sa faveur les valeurs de cette femme…celle-ci, reste imperturbable, solide, bien sur ses pieds, à se battre, avec ou sans le cinéma des citadins. Film réussi, avec de très belles prises de vues et une approche facile. (Mérite le prix qu’il a obtenu). - Il pleut des livres et des jouets : de Mohamed Barrak. Ce documentaire culturel parle d’une jeune bibliothécaire dans la région d’El Hamma, qui de son propre chef, avait pris l’initiative de faire du porte à porte, pour inciter les enfants et les familles à la lecture en leur fournissant des livres « at home » et faire parvenir aux familles populaires le droit du savoir qui leur revient. Une action complète avec des animations théâtrales, des chorales, des petits carnavals, des lectures de contes….dans une sorte de bain culturel rafraichissant. La bibliothécaire, s’occupe aussi de l’éduction générale des enfants, l’encadrement et le suivi de certains cas sociaux qu’elle avait réussi brillement à réintégrer. Bravo, si Mohamed Barrak, et que cet exemple fasse école dans notre paysage culturel.

- De Gougou : de Latifa Doghri. Un film documentaire sur la musique de la communauté noire de l’Île de Djerba, avec un accompagnement complet de toutes les manifestations, réalisations, actions, dimensions sociales, dimensions culturelles…jusqu’à la façon de fabriquer les instruments et l’apprentissage des enfants. Avec une nette focalisation sur la personnalité de « Loulou », une mère fondatrice des chants et des rythmes de l’île, une sorte de marieuse qui avait fait son chemin et laissa après son décès un grand patrimoine technique et artistique et insuffla pour toujours une passion de Chow chez les jeunes, ce film est complet, avec de très belles images et portraits des hommes, de la nature, de la mer et des rythmes de joie et de bonheur. Toutefois, dans une aussi riche matière spectaculaire, une ligne « éditrice » aurait pu être choisie et diriger ce parcours de constat euphorisant. (Mérite le prix qu’il a obtenu). - Le fil et le mur : de Sarra ben Achour. Un documentaire très courageux sur un sujet tabou que nul n’a pu aborder de prés ou de loin, vu la complexité du sujet et l’énigme qui l’entoure. Un témoignage de constat recueilli auprès des femmes, des filles, des jeunes et surtout ceux qui ont subi le rituel et acquis la soi disant invulnérabilité aux rapports sexuels d’avant le mariage. Une sorte de codage et décodage lors d’un deuxième rituel juste avant la consommation du mariage. Malgré que ce phénomène ait été abordé juste à partir d’une région du pays, ça reste un grand tremplin pour comprendre et apprécier les pratiques qui ne sont pas dégradante à la femme. De belles images de féminité et de beauté. (Mérite le prix qu’il a obtenu).

- Sidi Bouhlel : de Ridha Ben Halima. Un grand bain de foule, de rythme, d’encens et de chants, que le cinéaste nous a fait partager en visitant amplement le fameux marabout de Sidi Bouhlel, dans la région de Tozeur. Perchée sur un grand rocher de la chaine de montagne, cette mosquée-marabout, attire des milliers de fidèles chaque année, pour payer tribut et cet illustre ancêtre et vénérer Dieu pour avoir, la pluie, la santé et le bonheur. Avec l’apport des spécialistes en la matière qui avaient clairement contourné le sujet, des séances de Hadhra avaient aussi confirmé l’innocence et la sincérité de cet acte de piété et de soumission à la volonté divine. Toutefois, dans le film, le simulacre « technique » du jaillissement de l’eau du puits, après un cérémonial, était un peu discutable et populiste. Bravo pour ce grand constat et ce témoignage historiciste.

- Azul : de Wassim Korbi. Un documentaire fort intéressant sur la condition des Tunisiens ayant encore gardé leurs attachements linguistiques et culturels aux origines Berbères et Amazigh. Dans une sorte de constat et de revendication des droits à la différence, plusieurs témoignages avaient vulgarisé le sujet et son apport certain dans l’histoire du pays et la nécessité de lever le voile sur cette richesse millénaire. Azul, qui veut dire liberté, est fredonnée, sur les monts et entre les vallons de villages berbères en village amazigh, jusqu’aux fin fonds de Zouara et de Nalout en Lybie. Un cri de vie, plein d’émotion, de sincérité et d’affirmation du soi, pour un bien être commun, dans la différence. Bravo.

- Contra : de Lassaad Hajji Un film documentaire pertinent et d’action, au sujet de la vie des gens dans les régions frontalières du nord et du sud du pays. Un travail de terrain, dans la promiscuité et l’investigation qui a réussi à dresser une communication positive dans un milieu de violent de contrebande et de suspicion. Le cinéaste a réussi à accompagné les bons et les mauvais, pour arriver au fait que chaque mauvais n’est pas forcément mauvais et chaque bon n’est pas nécessairement bon, et seule, la nécessité de survivre d’un coté et l’application de loi de l’autre, gèrent la situation. De belles images, véridiques, authentiques, poignantes, douloureuses, d’un monde en mouvement et contournement permanent des lois et des barrages des soldats. Bravo pour ce constat et cette brèche dans le blackout sur ce sujet. (Mérite le prix qu’il a obtenu).

- Abid Ghbonten : de Ramzi Bjaoui. Un documentaire unique et très riche sur la condition sociale d’une ethnie noire, relativement assimilée, installée dans la région de Sidi Makhlouf à Médenine. Malgré les quelques conflits ponctuels lors des mariages mixtes indésirables pour les uns ou les autres, ces Ghbonten, dans un partage progressif des rôles après la fin de l’esclavage, un partage en fonction des prédispositions culturelles et vocations naturelles, avaient joué un très grand rôle dans le sud-est de la Tunisie, en matières de musique, de danses guerrières, de chants militants et de divertissement dans les champs d’oliviers de Zarzis lors des cueillettes. Il a aussi bien décrit les rapports entre les ethnies, entre les générations et le parcours de la troupe folklorique pourtant le même nom de « Abid Ghbonten ». Toutefois, le documentaire a un peu exagéré un racisme qui est plutôt très réduit dans des dimensions mineures pour donner la place à une coexistence normale si ce ne sont les vissicitudes du chômage et la pauvreté. Bravo encore pour cet apport à notre mémoire, pour sauver la mémoire commune. - Action mémoire de la mer et de l’homme : Lihidheb Mohsen. Etant l’initiateur, l’auteur et l’acteur de cette action, assisté par la réalisation de mon Alberto Marino Zecchini l’anthropologue…et malgré que je sois satisfait de mon action, son aboutissement et sa projection dans Douz Doc Days 13, ainsi que les discussions et critiques lors des débats, je laisse au public la priorité de la valorisation. Merci, à Monsieur Marino, Monsieur Hichem Ben Ammar, à l’honorable jury (l’australo-canadien et Britannique Hussain Currimbhoy, Vincent Martorana, Sonia Giardina…), aux participants, au public et à mes concitoyens de Douz. (Je m’excuse pour les films que je n’ai pu voir et commenter).

Conclusion : Juste un petit rappel, gentil, amical, pour réduire la fâcheuse manie, à fuir en avant, pour revenir et remercier, les véritables acteurs de la vie, les combattants de tout les jours…les femmes, les hommes, les figurants, les héros de touts les temps. Merci encore pour cette troisième édition dédiée à l’anthropologie sociale, qui a pertinemment aborder des sujets tabous et occultés, pour constater, apprécier et sauvegarder, notre patrimoine humain.

Lihidheb mohsen éco artiste 14.11.2013



22/11/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres